dimanche 29 novembre 2009

District 9 : plus jamais ça ?

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Sangat, la jungle, Soweto, Sabra et Chatila .. autant de noms pour définir la même dure réalité : des camps où s'entassent des êtres humains, rejetés ou confinés là par leurs pairs, pour diverses raisons, toujours légitimées par ces derniers.
Résultat d'une émigration clandestine, gethoisation d'une communauté à cause de sa différence culturelle, religieuse ou de couleur de peau...
Le film de Neil Blomkamp, produit par Peter Jackson commence en 2050. La société MNU s'apprête à investir le District 9, bidonville où ont été parqués il y a maintenant 30 ans des milliers de créatures extraterrestres. Comment sont-elles arrivées là ? qui sont elles ?

En 2020 un énorme vaisseau de ta taille d'une ville est apparu au dessus de Johannesburg (Afrique du sud) puis s'est immobilisé à quelques kilomètres de distance. Ne donnant aucun signe de vie durant plusieurs jours, il a été décidé de monter des équipes militaires en hélico afin d'ouvrir un passage dans sa coque pour inspection. C'est là que l'on a découvert deux millions de créatures désemparées, affamées, apparemment malades, comme après un long voyage, une dérivation dans l'espace en l'occurrence.
...Cela ne vous rappelle rien ? ... Combien d'humains tentent le voyage chaque jour par mer entre deux pays pour trouver refuge ? combien arrivent vivant ? On les a donc rassemblés dans un camp de fortune, et le temps à passé. Le camp est devenu un bidonville et a créé ses propres règles. La violence et l'insalubrité devenant des éléments récurrents, des repères même.
Aujourd'hui cependant, cela est devenu insupportable pour le voisinage. Trop de bruit, trop d'odeurs, d'insécurité... A moins que l'utilité de la »chair à expérimentation » ne soit plus aussi évidente qu'aux premiers jours, lorsqu'on ne connaissait rien de ces créatures ? (...)
Toujours est il que Wikus Van De Merwe (Superbe Sharlto Copley), est catapulté responsable du déplacement du camp. Il est question d'expulser les "réfugiés" et de les re-localiser 200 km plus au nord, dans un nouveau camp, plus grand, plus sain, où des tentes en toile accueilleront les non-humains.

...Tandis que les fouilles et tentatives d'expulsions commencent, au sein d'une maison en tôle, perdue au milieu du camp, un trio de créatures visqueuses finit de mettre au point une préparation liquide qui semble précieuse. Préparation qui a nécessité 30 ans de fabrication, avec des restes d'éléments d'armes extraterrestres.
C'est à peu près à ce moment là que l'on apprend que ces armes, réquisitionnées pour la plupart par l'armée, ou moins officiellement par la bande de contrebandiers nigériens qui fait la loi au sein du camp, ne sont utilisables que par les créatures mollusques. En effet, seule l'extrémité de leurs membres qui servent de bras, une espèce de pince, s'adapte et actionne ces machines à tuer.
Wikmus, en fouillant cette maison se projette malheureusement par mégarde ce produit précieux, déclenchant à cet instant le début d'un processus irrémédiable ainsi que le retournement du film. C'est alors ensuite au "Fugitif" que l'on va pouvoir faire référence, avec une traque dont l'anti-héros, devenu rapidement pseudo héros, va être le gibier.
Celle-là va nous mener vers la science-fiction pure, en passant par les genres fantastiques (une transformation Kafkaienne), l'épouvante (les opérations en salle d'expérimentations), la politique-fiction (le complot), et l'anime japonais (clin d'oeil à "Transformers" et "Tetsuo, l'homme machine"), le tout mené dorénavant tambour battant, avec beaucoup de scènes d'action et de combats.
District 9 est LE film de science-fiction de la rentrée 2009. C'est aussi et surtout un film politique. Il commence filmé caméra à l'épaule, comme un documentaire amateur d'un des collègue de Wikus. C'est un peu le film de promotion de fin d'année, où le départ "fleur au fusil". Stylistiquement on est proche de "Cloverfield" et de "Blair witch", mais là s'arrête la comparaison.
L'insouciance règne... on rigole, on est un peu nerveux. Et puis...petit à petit.. ce jeune cadre un peu empoté, placé là uniquement (!?) pour des raisons familiales (il est fiancé à la fille du grand patron de la WMU), va comprendre que le job n'est pas si simple qu'on a bien voulu lui laisser croire. Qui dirige t-il d'ailleurs ? que maîtrise t-il ? ... pas grand chose..
Et dés que l'on rentre dans les hangars où les soldats préparent leurs armes, le ton change et la réalisation du film aussi.
Le temps est au beau fixe lorsque le convoi pénètre dans le district, et seule la poussière ocre soulevée par les roues des véhicules blindés tout terrain nous voile le soleil brillant dans un ciel bleu azure. C'est le clin d'oeil "Full metal jacket" ou : Hollywood et le beau guerrier. Ce changement de style nous plonge alors dans le film de guerre, et le malaise.
Mais qu'est-ce qui fait l'intérêt supplémentaire de District 9, au delà de l'aspect réussi de sa mise en scène et de son scénario ? Car cela suffirait déjà à le placer au dessus du panier.
Il s'agit sans doute de cette réflexion sous-jacente, qui est au final le but ultime du réalisateur à n'en pas douter : la question violente qui nous est posée lorsque nous ne pouvons pas, ne voulons pas être confrontés à des réalités désagréables : Que faire des réfugiés, des sans papiers ?
Où vont-ils ? qui sont-ils ? que veulent-ils ? qui s'en occupe ? et doit on les regarder, les écouter ?.. Et quand bien même ceux-là seraient des extraterrestres, le problème serait-il si différent ? ...Et, si par malchance vous vous trouviez parmi eux, que vous deveniez l'un d'eux, et que vous subissiez leurs sort, que feriez-vous ? et que pourriez-vous faire d'ailleurs ?
C'est tout le propos de cet excellent film qui sous couvert d'une très bonne intrigue de science-fiction nous confronte à des problèmes actuels violents, récents et se déroulant sous nos yeux.
"Welcome" de Philippe Lioret avec Vincet Lindon, (Mars 2009) traitait aussi de ce sujet; mais l'avoir transposé dans le futur et avec des créatures qui ont toujours fait rêver l'imaginaire ouvre d'avantage le sujet et le rend encore plus acide. En effet, dans District 9, il y a le chiffre "9", représentant l'humain. Or, qu'est-ce qui nous rend plus humain qu'un autre être ?
La réponse est à trouver très vite, car le futur n'apporte apparemment pas de solution toute faite.
Notes :
Neil Blomkamp; né en 1979 à Johannesburg, Afrique du sud est apparemment bien influencé par son pays et sa ville natale. Car District 9 n'est que l'aboutissement d'un long processus autour de l'apartheid. En effet, en dehors de précédents travaux*, il est le réalisateur de "Alive in Joburg" (2005) un court métrage se déroulant à Johannesburg avec le même genre de scénario : des extraterrestres qui débarquent en 1990 en plein ghetto.
La question de l'être humain derrière l'identité robotique était aussi déjà soulevée avec "Tembot" en 2006. On notera d'ailleurs que le robot utilisé est le même qui a servit à l'extraordinaire publicité de la Citroën C4 (2005). Prouesse technique qui a permis on n'en doute pas le succès ensuite du "Transformers" de Michael Bay en 2007.
"Tetra vaal" en 2005 se déroulait aussi déjà dans le township de Johannesburg et le synopsis oeuvrait autour d'un policier robot sensé ramener le calme dans les ghettos. Tandis que "Crossing the line" (2008, de Peter Jackson) dont Blomkamp n'est crédité que comme directeur additionnel traitait de la première guerre mondiale et utilisait pour la première fois la technologie de la caméra rouge. (Peter Jackson - Wikipedia, the free encyclopedia)
Au travers de ses différents projets aboutis ou non dont le site Filmjunk.com nous propose des extraits, Blomkamp se révèle comme un réalisateur bourré de talents, dont les sujets de science-fiction autour de la question de la guerre et de l'humain, mêlant souvent effets digitaux ultra réalistes et animations réelles laissent présager d'une belle carrière.

Sortie du DVD de District 9 prévue le 10 Janvier 2010.

samedi 14 novembre 2009

Juillard : deux inédits !

Une belle publicité pour le premier album de Bohémond de St Gilles, dans le supplément de "Formule 1" n°51 de 1979.
(Qui préfigure le vieillissement quelques années plus tard de Blake et Mortimer, Johan & Pirlouit... dans la série "Le dernier chapitre, Dargaud)

et le poster de Terrence Hill (abimé) du F1 n°53 de 1975.

... Au temps ou monsieur Juillard n'était pas encore la célébrité que l'on connait

mercredi 11 novembre 2009

Pierre Koernig : perdu entre feu, terre et ciel

Mon enfance au milieu des années soixante-dix a été bercée par de nombreuses lectures de revues publiant de la bande dessinée. Les plus anciennes auxquelles notre famille était abonné provenaient surtout des éditions Fleurus : Fripounet, Jonas, Coeurs vaillant Formule 1, Okapi, Triolo...
Celles-ci ont nourri nos imaginations, mon frère ma soeur et moi, aux côtés des classiques Tintin et Spirou, et avant d'ingurgiter les moins conventionnelles Metal hurlant, Charlie, Pilote, l'Echo des savanes, A suivre, Viper, Epic, Special USA...
Beaucoup d'auteurs ont fait leurs débuts dans ces revues catholiques et on citera parmi les plus "récents " et connus : Juillard, Verrien, Convard, Binet, Tito ou Loisel; tandis que d'autres, dont les récits n'ont même pas paru en album une seule fois n'ont pas non plus connu les honneurs de la notoriété. Leur nom ne disant d'ailleurs même plus rien aujourd'hui à la plupart des amateurs.
...Tel est malheureusement le cas de Pierre Koernig.
Ses débuts :
« Pierre Koernig, né en 1938 a publié ses premières BD dans le magazine de l'armée Col Bleu où travaillait aussi Giraud, tous deux étant alors occupés à accomplir leur service militaire. Les deux auteurs travailleront d'ailleurs ensuite dans les pages des magazines des éditions de Fleurus Fripounet et Coeurs-Vaillants. Giraud vivra d'autres aventures plus valorisantes alors que
Koernig restera fidèle aux titres des éditions de Fleurus. Auteur très doué, il finira par abandonner la BD au début des années 80. Notons les séries le Roman de Renart et Ptit Loup dans Fripounet et sur la fin de longs récits dans Formule 1.
J'étais moi aussi un admirateur de son travail. A tel point qu'un milieu des années 80 je lui ai demandé de reprendre les Ecluses du ciel aux éditions Glénat, série écrite par Rodolphe abandonnée par Michel Rouge. Il a réalisé une douzaine de pages payées par Glénat (que j'ai conservé) superbes puis a laissé tombé. La série sera terminée par Allot.
Koernig était un type adorable mais aux prises avec ses démons qui en faisait quelqu'un d'instable, jamais satisfait de lui bien que passionné par son métier. Il vivait misérablement et seul. Après cet épisode je n'ai plus jamais eu de nouvelles de lui, ni personnellement, ni par ses travaux. «
(Paragraphe ci-dessus : témoignage inédit d'Henri Filippini, recueilli le 25 Juin 2009)
Koernig à Formule 1
La carrière de Koernig dans Formule 1(1) atteint un pic semble t-il lorsque paraît une histoire de science-fiction très étrange à partir du 24 de 1976 (Eté).
"Colère sur le Kundalunping" met en effet en scène tous les personnages qui vont faire partie de ce que l'on va ensuite communément appeler L' « Alerte au Nimbus », et qu'on peut qualifier de son chef-d'oeuvre.
Mais avant cette histoire de 86 pages au total, comprenant planches noir et blanc et couleur, Koerning a déjà créé un intérêt pour les îles indonésiennes, avec un style résolument aventure (différencié de ses pages d'humour non-sensiques (voir bibliogaphie), en introduisant un personnage particulier, qui pourrait donner son nom à la série si elle avait été publiée en album. Il s'agit de « l'Antiquaire. »

« L'antiquaire », une parution quelque peu chaotique.
Une poignée d' épisodes de cette série ont paru, manifestement à partir de l'année 1975, sans assurance néanmoins. Je ne possède en effet pas cette année, mais dans le n° 22 de 1976 (2 Juin), on peut lire le résumé suivant : « La paix est revenue depuis sur l'île de Capricola rocks (…) Un mois est passé depuis le raid effectué par le commando de l'»antiquaire » à cause d'un rocher en forme de tête d'alligator ... » On en conclura que la série était donc bien en cours.
Extrait de la planche 1 de "Rififi à Tititotli"
D'autant plus qu'en 1981, une réédition* semble s'amorcer, comme cela est aussi le cas pour La longue piste de Loup gris de Juillard et Verrien, d'abord parue en 1975, du n° 4 au n° 53. (Source : Pêle mêle, monographie André Juillard, chez Pythagore ed. 1999)
(*) réédition semble t-il à la lecture de ces histoires qui content des épisodes précédant ceux de 1976 !!
L'exemple en parallèle du western de Juillard (Loup gris) tend de plus à confirmer la piste d'une première publication en 1975.
Deux extraits "d'ouragan...", avec le personnage principal.
Les épisodes de l'Antiquaire recensés :
nb : le chiffre entre parenthèse indique le numéro de l'épisode replacé chronologiquement.
1976 :
n°22 Rififi à Titlitotli (7) 8 pl. n/b HC
n°23 Sorcellerie à Titlitotli (8) 8 pl. n/b HC et fin
1981 : n°21 (27 mai) Le trésor de la tête d'Alligator (3) 4 pl. n/b AS (reprise)
n°22 suite (4) idem
n°25 suite (5) idem
n°26 suite (6) idem
nb : La suite du n° 26 est lisible dans le n° 22 de F1 de 1976 !!
n°30 (29 Juillet) Ouragan sur Capricola rocks (2) 8pl. n/b HC
> Cet épisode s'avère pour sa part être le deuxième épisode du début de la série, d'après son résumé.
On perçoit donc, avec le désordre ou en tous cas les longs hiatus de parution de ces épisodes repérés par le présent recensement, que Koerning n'a pas franchement été aidé par l'équipe éditoriale de Formule 1 à l'époque. Une série de huit (?) épisodes pourtant intéressante à de nombreux égards, qui peut faire penser au niveau scénario à un mélange entre Bernard Prince (Greg/Hermann), et le Collectionneur, de Toppi. Ce dernier publiant d'ailleurs à l'époque des bandes dans la même revue.

Juin 1976 : Alerte au Nimbus !
Après ces deux épisodes « en bout de ligne » (rien d'autre en effet durant tout le premier trimestre 76. On pourrait penser que cela a peut-être été volontaire pour annoncer le grand retour de Koernig dans les pages de la revue ?), déboule le n°24 avec : « Colère sur le Kundalumping », une toute nouvelle histoire et de nouveaux héros.
Extrait de la planche 1 de "Colère..."
L'intrigue se déroule dans la vallée de Bandoung, à l'ouest de Java, en plein pays Sunda.
« Kundalumping » le nom du volcan de cette vallée, veut dire « cheval qui saute » en javanais.
Les personnages :
Pol Cassard, volcanologue
Bung Lambok, geophysicien indonésien
Gil Korgolan, aventurier/ethnologue et ami de Pol
Ariam-Wuruk, le « malim » (sorcier ermite indonésien)
Synopsis : nos deux héros et leur ami sont chargés d'une mission par le gouvernement de Djakarta : vider le lac d'acide du cratère de ce volcan qui s'agite, afin de sauver la population.
Ils vont se heurter cependant tout d'abord au malim, guidant le village contre eux lorsqu'ils révèlent leur plan alors que les autochtones s'apprêtent à fêter la chasse au sanglier sur les pentes du volcan, puis s'en faire ensuite un allié après l'avoir sauvé d'émanation sulfureuses.
Cependant un nuage (un nimbus) évoluant au dessus du cratère se fait menaçant et envoie régulièrement la nuit des décharges électriques à l'intérieur, laissant d'étranges séquelles, dont de bizarres dessins au triangle.
Le reste à lire dans le résumé de la première partie publié dans le n°40 de 1978, cf. images ci dessous :
Un scénario et des situations très accrocheurs
La suite est à l'avenant et en couleur, ce qui rajoute énormément à un dessin déjà très particulièrement intéressant
L'apparition des créatures robotiques volantes dans le n°9 de 1977 avait soulevé l'inquiétude et un grand suspens. Le retour de la série à l'automne 1978 tient ses promesse et nous entraine dans un récit de science-fiction ésotérique jamais vu.
On est loin de Blake et Mortimer, cependant le shaman, (asiatique ?) à tête de triangle qui mène les créatures et dont les formidables pouvoirs semblent extraterrestres n'est pas si loin du robot des Trois formules du professeur Sato. D'autant plus qu'il donne ses ordres en japonais et porte une tenue traditionnelle nippone.
Dans l'épisode « La nuit du triangle », le dernier en noir et blanc, on assiste à un déclenchement volontaire de diverses perturbations climatiques au dessus de Djakarta, puis à l'enlèvement des membres du DEEP par les créatures surgissant d'un nuage à tentacules. (!!)
Cet épisode très condensé montre non seulement une maîtrise de l'enchainement chez Koernig, en plus de son dessin, mêlant traits nerveux et hachures, mais étonne encore aujourd'hui par la modernité de son sujet.
On n'a jamais été aussi concerné en 2009 par les changements climatiques et le réchauffement de la planète. Aussi, voir un tel scénario catastrophe développé en 1977, cela ne rend que plus pertinente l'oeuvre.
La reprise en couleur voit nos trois héros seuls face à leur destin puisque le reste de Djakarta a sombré dans l'inconscience suite à une attaque au gaz soporifique.
Ceux-ci s'emparent de combinaisons de pilotes de chasse et décollent à bord d'un « supersonique Convair XB58 « Hustler », armé nous dit-on de roquettes et missiles air air 20 bourrés d'argent iodé » (…)
Quelques rares faiblesses scenaristiques
Si ces cases de poursuite et de bataille aérienne face à un cyclone en formation sont stupéfiantes, et si elles ne manquent pas de rappeler un autre classique de l'aviation : (Tanguy et Laverdure : mêmes tenues kaki), on reste par contre très sceptique quant à la crédibilité d'un vulcanologue sachant manier à l'arrachée un appareil de cette nature, tout comme le fait qu'il sache se servir de ses armes de guerre...
C'est le point faible du scénario qui assène comme un coup de masse au lecteur d'aujourd'hui.
Mais l'action continue et on passe outre sans se faire prier.
Se pose aussi la question des raisons du Triangle … Qu'est-ce que ce maître du monde en puissance peut espérer, mis à part « robotiser » (en fait amener à sa volonté grâce à un casque envoyant des ondes) toute une population ?? Pourquoi faire au final ??
Une autre petite faiblesse du scénario puisque restant sans réponse... mais après tout, que demander de logique à un savant fou ?

Le final sur l'île du diable

Ayant repéré l'île où le Triangle (vaisseau et personnage) ont atterri, nos trois héros, à bord d'un canot de sauvetage (il se sont éjectés finalement ) y accostent difficilement puis s'emparent des 3 armures de créatures gardant un poste de surveillance.
Des scènes de Kung fu très "série B"
Le repaire est situé dans un cratère (quoi d'autre ? ) et malheureusement pour eux, ne connaissant ni le japonais ni le code d'accès du jour, ils ont tôt fait d'être mis hors d'état de nuire par une décharge électrique déclenchée à distance à l'intérieur de leurs casques.
Il en serait fait d'eux si Ariam Waruk, le sorcier de Kundalunping n'était pas là pour les sauver. Ayant été amené sur l'île avec nombre d'autres habitants de Kundalunping enlevés lors d'une même opération soporifique qu'à Djakarta, celui-ci est le seul à avoir pu se réveiller à temps et s'échapper, grâce à ses pouvoirs mentaux, alors que les autres indonésiens ont fini en robot déshumanisés.
S'emparant un à un des gardiens à l'aide du pouvoir d'invisibilité du sorcier et donc forte d'une armée grandissante, la troupe arrive à tenir en joue le Triangle et à lui faire ôter son masque.
Et là... coup de théâtre : il n'y a qu'une boule lumineuse à la place de la tête, d'où s'échappe un ricanement maléfique... (le même que celui du moine fou de la « Ballade la mer salée » : « haw haw haw !» , Corto maltese, 1975 !)
La scène où le Triangle, reprenant le contrôle mental des héros s'apprête à les décapiter tranquillement de son sabre figure parmi les les plus mémorables moment de cette aventure.

Mais l'autre sorcier ne lâche pas l'affaire et la scène de poursuite qui s'ensuit entre eux deux, de l'intérieur de la base jusqu'au bord d'une cheminée volcanique ressemble à un balais de film de sabre chinois.
Le lancé de Shoken du Triangle (arme de jet métallique des samouraÏs en forme d'étoile) se retourne malheureusement contre lui et l'envoie en enfer, dans le magma dont il puisait son plus grand pouvoir. On ne saura finalement rien de l'identité du personnage...
(...) Que faire de cette base et de cette énergie ?
Aux vulcanologues songeurs, le sorcier rappelle alors, tel un message écologique l'avertissement du chef du village de Kundalunping : « N'irritez plus les esprits du feu et de la terre »

L'histoire se termine en tous cas sans le mot de la fin. Mais les hélicoptères chassent un oiseau qui s'envole...
... "Koernig : perdu entre feu, terre et ciel"

Publication d'Alerte au nimbus :
Juin 1976 :
n°24 Colère sur le Kundalumping 8 pl. n/b

Janvier 1977:
n°4 Nuage sur le Kundalumping 8 pl. n/b
n°9 Alerte au Nimbus 8 pl. n/b (l'arrivée des créatures)
n°16 Chicaya à Djakarta 8 pl. n/b
n°24 La nuit du triangle 8 pl. n/b
Octobre 1978 :
n°40 Alerte au Nimbus 5 pl. Coul. + 2 pl. Coul. de résumé
n°43 suite 5 pl. Coul., plus couverture
n°45 suite 5 pl. Coul.
n°47 suite 5 pl. Coul.
n°49 suite 5 pl. Coul.
n°50 suite et fin 5 pl. Coul.
Total : 40 pl. n/b plus 30 pl. Coul.

En guise de critique :

Pierre Koernig a été quelque peu victime d'une publication chaotique, comme une bonne partie de ses autres cases parues dans Formule 1.
Après un début prometteur en effet, et malgré des apparitions dans une poignée de numéros de 1977 et une douzaine en 1978 (gags "Echos du monde entier et d'ailleurs", "Progression"...), aucune nouvelle n'est venue soulager l'attente des lecteurs de la série phare jusqu'en Octobre 1978, soit pratiquement durant deux ans.
Le numéro 40 voit le grand retour de la série et en couleur, puis le n° 43 propose la suite en huit planches couleur, avec une belle couverture (enfin !!, cela était mérité depuis le temps), avant que la suite ne paraisse dans les 45, 47, 49 et enfin le 50, qui conclue le cycle. Nous sommes fin 1978.
..."Alerte au nimbus" reste aujourd'hui comme une superbe aventure fantastique qui aurait du (et pourrait) faire l'objet de deux albums cartonnés, tant la qualité du scénario et du dessin sont au rendez-vous. Pour ma part je considère ce récit comme une histoire culte, qui a marqué mon enfance, et pour laquelle je connais peu d'équivalent.
Allier exotisme et science fiction à ce point, en intégrant des créatures métalliques surprenantes pour l'époque (on est en 1977 et la guerre des étoiles vient juste de sortir,) est un point fort de cette aventure française, ce dernier détail étant à souligner.
Le côté ésotérique et mystérieux de l'intrigue se pose aussi comme un élément essentiel. A ce sujet, le symbole de triangle et les disparitions au dessus de l'océan rapprochent bien sûr ce scénario des affaires du triangle des Bermudes dont on parlait beaucoup à l'époque.

Un sorcier, (deux ?), un tigre, la jungle, de la pluie en trombe... les militaires... tout cela rappellera aussi à certains Sankukai ou le tigre de Malaisie. Quant à l'aspect kung fu développé lors de scènes de bataille, il finit de donner à l'histoire en plus des éléments sus-cités son statut de Série B culte.
Le fait que ce récit ait été aussi dilué dans le temps (deux ans de publication entre le début de l'histoire, en noir et blanc) et la fin (en couleur) a participé aussi involontairement au suspens déjà présent intrinsèquement.
...Savoir comment Koernig avait prévu son plan semble difficile à appréhender, étant donné ces constats.
A t-il eu à l'époque des difficultés avec la rédaction ?, a t-il eu des soucis de santé ?... le peu d'informations dont nous disposons à l"heure actuelle laisse peu de marge pour le déterminer.
Tout comme on aimerait savoir de quelle manière ce synopsis est né, et pourquoi avoir choisi Djakarta ?
Il s'avère cependant que monsieur Koernig ait été néanmoins spécialisé dans la SF et l'étrange, comme on le constatera en se reportant à ses autres pages publiées dans Formule 1, entre autre, où le traitement ubuesques de chroniques ne dépareille pas, ainsi qu'à ses quelques illustrations pour des classiques du roman de science fiction chez Opta (2) ou pour la revue Casus belli pour finir de se faire une idée de l'état d'esprit de l'auteur à l'époque.
Intérieur de "La chute des tours" (Delany/Opta) 1971
Toujours est il qu'après ce récit, difficile à accoucher semble t-il, quelques rares autres publications sporadiques (dont deux belles histoires en couleur en 1980), et la reprise de la série l'Antiquaire en 1981, la bande dessinée n'a semble t-il plus eu affaire à lui depuis. (Mis à part l'essai "Ecluses du ciel" cité par Henri Filippini plus haut, et quelques collaborations scénaristiques (3).
Tout cela laisse donc un sentiment de frustration, ou en tous cas un manque, que la réédition de cette superbe histoire participerait à combler.
Reste de la bibliographie dans Formule 1 (non exhaustive)
(La plupart signé KRNG). Une page de gags loufoques n/b à chaque fois, sauf où indiqué.
Lorsque pas de titres : idem qu'au dessus.
1977 :
n°7 Echos du monde entier
n°21 Progression
n°23 Echos du monde entier et d'ailleurs
n°39
n°41
n°43
n°45
n°51

1978
n°1 Echos des îles des mers du sud (KRNG)
n°3 Echos du monde entier
n°5 Self service super relax
n°8 Il y a de l'eau dans le téléphone
n°9 Echos du monde entier
n°11
n°13 Authentique mais vrai
n°15 Echos du monde entier
n°17
n°46 Sans blague (non signé)
n°48 Sans blague (non signé)
n°49 Sans blague
n°50 A peine croyable
n°51 Vérités véridiques
1979
n°6 (Un gag dans le supplément)
n°41 Echos du monde entier
1980 n°9 Le ski à la portée de tous 3 cases n/b dans supplément
n°48 La dernière chanson de Cadieux (non signé*) 5 pl. Coul.
n°49 Le chasseur des bêtes aux ailes de feu (non signé*) 5 pl. Coul.
nb : Pour ces deux derniers titres, on s'appuiera sur le style du dessin, le graphisme du titre et les éléments de décor ou de thèmes ( forêt et indiens du XVIIIeme pour le premier, jungle équatoriale pour le second) pour y trouver matière à désigner Koerning comme leur auteur.
Extrait de "Le chasseur" (1980)
Première planche de "La dernière chanson de Cadieux" (1980)
Notes et références :
1 Précision : cette étude s'appuie sur le dépouillement déjà effectué de la revue sur l'incontournable site BDoubliées à la date du 06/11/09, et sur un prochain que je m'apprête à effectuer, toujours à partir de ma collection, contenant les n° 5 de J2 F1 (1973), ainsi que 17,33,39,53 de 1975, puis pratiquement les années complètes 1976, 1977, 1978, 1979, 1980, et 1981.
2 Voir : La chute des tours (Opta 1971)
(Delany) Illustrations intérieures originales de Pierre Koernig. Tirage limité à 6170 exemplaires numérotés.
Histoire du futur, tome 2. (Opta 1969) (Heinlein) Illustrations intérieures originales de Pierre Koernig. Tirage limité à 4150 exemplaires numérotés.
3 Koernig a aussi écrit des scénarios, dont certains pour André Chéret. Voir : le coin du patrimoine BD sur BDzoom.
Nota bene sur la difficulté du dépouillage des revues : En plus du fait que ma collection est incomplète, il est difficile d'être exhaustif, car il n'y a plus de sommaire précis dans Formule 1 à partir du n°15 de 1977, ce qui rend le travail plus qu'ardu, surtout si des n° sont incomplets, ce qui est parfois le cas, le verso des posters ayant souvent supporté des histoires.
Merci à Messieurs Frederic Bosser de DBD et Henri Filippini pour leur gentille contribution au paragraphe sus-cité.
© Droits réservés toutes images : Pierre Koerning/Formule 1/Editions Fleurus

dimanche 25 octobre 2009

Esthétiques et filature : la bonne recette.

Esthétiques et filatures
Mandel & Tanxxx
Kstr 2008

Tanxxx est une demoiselle bordelaise venant du fanzinat, dont le trait noir et blanc et les thématiques sex & rock'n'roll indiquent clairement les influences 80's de Metal hurlant, Viper et Special USA. Ses flyers, affiches et tags punk/harcore sont aussi bien connus des rockers de la région ouest. Elle est l'auteur d'une poignée de comics, chez Charette, Les enfants rouges ou les Requins marteaux. (voir son blog)
On peut en goûtant Tanxxx penser bien sûr à un autre duo français récemment mis en lumière pour son travail chez Albin Michel : Mezzo et Pirus sur "le Roi des mouches", (sûrement les mêmes influences). C'est en tous cas ce qui saute aux yeux à la lecture de ce bon polar; mais la féminité sous ces traits là est bien personnelle .

Esthétiques et filatures est en effet un one-shot bien écrit, et là, on rendra hommage à Lisa Mendel, scénariste plutôt axé BD jeunesse habituellement.
Arriver à tenir en haleine sur 124 pages, avec un style rock'n'roll qui nous a d'avantage habitué ces dernières années à des historiettes superficielles * n'est en effet pas une mince affaire, et méritait d'être remarqué.

On ne reviendra pas sur le trait noir et blanc bien équilibré de Tanxxx qui permet de se laisser entrainer rapidement dans l'intrigue pour remarquer les trois personnages principaux : Marie, Tatiana et Adriene, ainsi que le thème de l'homosexualité (féminine) abordé ici.

Comment ne pas penser à ce sujet à un autre couple lesbien célèbre, (Peggy et Hopey), du comics non moins célèbre: " Love and rockets" de Jaime Hernandez ?
Quand on connait le succès de cette série 80's indépendante (qui se poursuit aujourd'hui) et le peu de bons comics français de cette trempe moderne et rock, avec un vrai scénario (d'ailleurs la fin ouverte donne envie de retrouver les personnages d'Hestétiques"), ... on ne peut que souhaiter le même avenir à l'équipe Mandel et Tanxxx.

You got it babes !

A lire : l'adaptabilité cinématographique de cet album sur Actua BD

Le blog de Tanxxx

(*) Beaucoup de tentatives rock et BD ces dernières années, mais reconnaissons-le, surtout des illustrations de chansons, ou de petits bouquins sous formes de carnets. Pas de véritables scénarios dignes de ce nom.

samedi 10 octobre 2009

La bande dessinée, art reconnu, média méconnu.

J'ai peu eu l'occasion de parler de ce 54ième numéro de la revue Hermès, éditée par le CNRS, car je n'avais pas encore reçu mon exemplaire.
Cette revue, coordonnée pour ce numéro par Eric Dacheux, professeur des universités en sciences de l'information et de la communication à l'université Blaise Pascal, (Cl Fd) avec la collaboration de Jérôme Dutel et Sandrine le Pontois (Université Jean Monnet, St Etienne/ et IUT de Roanne) a le mérite d'offrir aux lecteurs attentifs (et ceux de ce blog le sont je l'espère) un panorama critique et analytique assez complet du média Bande dessinée.

Cette revue regroupe des chercheurs, mais surtout des amateurs de bande dessinée, et c'est tout son intérêt.

Le sommaire est conséquent : 269 pages, pour presque une quarantaine d'auteurs, dont certains dessinateurs ou scénaristes reconnus (Morvandiau, Xavier Fauche, Franck Giroud...), bref, un pavé qui devrait faire normalement parler de lui.

Voir l'intégralité du sommaire avec les auteurs (PDF)

Alors, évidemment, cette revue n'est pas éditée par l'An 2 ou Acte sud, mais le CNRS, et elle est récente. Elle ne sera donc peut-être pas chroniquée tout de suite sur Actua BD ou dans DBD, mais on peut néanmoins le souhaiter.

Etant auteur d'un article synthétique sur le "web et la bande dessinée" moi-même ,(p. 201) je ne vous ferai pas l'affront d'en faire l'apologie, d'autant plus que je n'ai pas encore lu l'ouvrage en plein.

Je tenais juste à vous signaler sa disponibilité en librairie, ou sur commande *, et son originalité, pour ne pas dire sa particularité.

En espérant que cette publication verra la réalisation de rencontres ou d'animations dans les semaines/mois à venir... en librairies et/ou en bibliothèques.
C'est tout ce que je lui souhaite.

*Hermés revue n° 54 : 25 euros. 269 p. n/b.
Pour commander : par courrier ou mail : CNRS éditions
Service commercial/ commandes permanentes : 15 rue Malebranche, 75005Paris
Fax : 01 53 10 27 27 mail : sabine.lavaud@cnrseditions.fr
cnrseditions.fr

dimanche 27 septembre 2009

Bandes dessinées, mes dernières lectures remarquables.

Pas beaucoup de temps en ce moment pour rentrer dans le détail. Et... trop de livres à lire. Petite sélection donc de quelques ouvrages "modernes" intéressants, liés au médium Bande dessinée.

-Terre rouge, de Julie Blanchin (Editions Quae)

Un petit bouquin graphique moderne comme je les aime, qui s'engage pleinement dans la thématique des perspectives documentaires ouvertes à la bande dessinée depuis une quinzaine d'année. (cf. : Le photographe, Guarduno en temps de paix, Gorazde...etc.) Içi, on est en Guyane française, pour parler forêt et développement durable. Instructif.

Voir : BD et documentaire sur Bdtheque

Le site de Julie Banchin

Une interview de l'auteur sur le site du Progrès


- Jolies ténèbres Kerazcoët/Vehlmann (Dupuis)

Etrange album à la belle présentation mais à l'allure enfantine trompeuse, (dessin et couleurs) qui nous entraine dans un conte cruel et morbide sur la thématique de la mort de l'amitié et des traits particuliers de l'enfance.
Ovni !!

Voir la longue chronique/analyse sur du Du9.org


- Ferme 54, Galit Seliktar Gilad Seliktar (Editions ça et là)

Beau roman graphique tout en traits fins noir et blancs nous interpellant sur la vie dans une colonie Juive d'Israël.
Réaliste et poétique à la fois.

La chronique de Du9.org
La notice sur le site de Ca et là


- Orfi aux enfers (Poema a fumetti) Buzzati (Seuil)

Attention : chef-d'oeuvre !
Buzzati est surtout connu pour son "K" et son "Désert des tartares". Ce que l'on sait moins, c'est que cet homme était amateur de peinture et de bande dessinée.
Ce poème dessiné (poema a fumetti), il a demandé à ce qu'il soit publié après sa mort.
Cela en dit long sur l'étrange idée que l'on se faisait (et que l'on se fait encore) sur ce média, quand bien même il est utilisé par un auteur reconnu.
Beau, étrange et presque unique en son genre.

Une chronique sympa sur le blog Palybackboum







- Salt pit, Sasha et François Vataux (Les enfants rouges)

Le destin d'un jeune français qui plonge dans l'enfer des camps de guerre d'Al quaïda et fini emprisonné à Salt pit, une des nombreuses prisons interdites de la CIA.

Salt pit est un ouvrage intéressant dans la mesure où il nous montre de manière réaliste et assez pertinente (via la qualité du médium lui-même) la fatalité de se retrouver face à certains choix à un tournant de la vie.
Ni un côté ni l'autre des camps de chaque antagoniste n'est montré comme bon ou mauvais, mais par contre, l'engagement complet peut-être fatal, surtout si, comme le personnage central, une psychologie défaillante ne permet pas de réaliser la trajectoire dangereuse dans laquelle on s'engage.

Une leçon sur la tolérance, l'écoute, mas aussi sur la vigilance, autant à l'égard de ce que l'on croit connaitre, que ce que l'on découvre.

Les centres de détentions clandestins de la CIA sur Wikipedia

La notice sur le site des Enfants rouges

vendredi 25 septembre 2009

Lost for TF1 !

Bravo la chaîne privée !!

Avec vos 18 minutes de retard minimum tous les mercredis soir avant les épisodes de Lost, (publicités à rallonge, série Secret story à la traîne, bandes annonces de séries moches...) vous participez à votre façon à la piraterie.

Aucun doute en effet qu'en traitant ainsi vos télespectateurs fans de cette série américaine qui plantent à coup sûr l'enregistrement , vous les incitez à ne pas attendre la prochaine diffusion française et à télécharger les épisodes en ligne.

...TF1 : du beurre pour Hadopi !

lundi 3 août 2009

The Books of magic : do you believe in magic ?

Une anecdote "magique" :
Ayant été introduit à John Bolton via les revues Special USA et Epic dans les années 80 c'est par le biais de ce dessinateur que la bibliographie de Neil Gaiman m'est apparue. Les deux auteurs travaillant en effet souvent ensemble.
Les premiers épisodes du Sandman de Gaiman (1988-89-) publiés par les éditions Le Téméraire en 1997 (1 ) ayant été les premiers comics cartonnés disponibles de cet auteur en français à l'époque, il a été frustrant de passer les années suivantes sans que ce "Books of magic", daté 1990 et reconnu dans les pays ango-saxons comme une référence ne suive la même logique de traduction.
En 1998, je me décidais donc à acheter via Amazonmarketplace ce classique, d'autant plus qu'il réunissait 4 des plus grands dessinateurs d'heroic fantasy de bande dessinée.
Il me fallu néamoins pratiquement 1 an pour récupérer le livre, celui-ci ayant transité par l'adresse américaine d'une amie alors professeur de français en Louisiane (et oui, à l'époque, le port pour les livres était faramineux) (!!) puis enfin presque dix ans pour me décider à le lire (!!?) (En anglais, pas évident en effet, et la flemme, parfois...)
(ci à gauche, 1ere édition du TPB)

Voilà donc enfin un essai personnel sur ce roman graphique pas comme les autres et en français.
Cela ne sera pas de trop, et les plus curieux ne me démentiront pas, considérant que la chronique détaillée de cette oeuvre n'apparait pas de manière envahissante sur la toile, loin s'en faut.

Une oeuvre difficile.
... On peut être fervent amateur de récits fantastiques, d'héroic fantasy, de science-fiction ou de mangas de genre, et trouver ce "Books of magic" néanmoins assez hermétique.
Sensation décuplée lorsque on a comme içi à le lire dans le texte (ie : en anglais) puisque qu'il n'a toujours pas été traduit. (2)
On pourra regretter un tel état de fait en 2009, époque où Neil Gaiman est aujourd'hui reconnu en France comme un grand auteur de fantasy et où la plupart de ses oeuvres on eu droit à un traitement conséquent. (cf. la série de comics de genre qui l'a révélé dés 1988 : Sandman, publié en intégralité via Delcourt et Panini en France depuis 2004, mais aussi d'autres récits illustrés (3).
Mais "The Books of magic" n'est cependant pas tout à fait un comics comme les autres, ceci expliquant peut-être cela...

Son synopsis : (attention : révélations !)
En Angleterre, un adolescent skateur boutonneux : Timothy Hunter est abordé par 4 individus louches, en pardessus : Doctor Occult, Mister "E", Constantine et ?
Ces mystérieux personnages ont apparemment une mission : faire se révéler ce jeune garçon en lui faisant découvrir les mondes occultes de la magie. Passé, présent et futur.
Pour cela, chacun l'accompagnera à son tour à travers temps, espaces et rêves. Chacun de ces "voyages" initiatiques étant dessiné par un auteur différent. On y reviendra.
© Bolton/Gaiman/Dc/Vertigo

1er voyage : "Le labyrinthe invisible", dessiné par John Bolton.
Le passé, où Timothy accompagné par l'homme sans nom (qui entre temps a changé le yoyo du garçon en hibou de compagnie) "voit" les origines de la magie au fil des siècles et des civilisations.
Pas le chapitre le plus intéresant à mon goût. Même s'il était nécessaire pour resituer le sujet. On y trouve beaucoup d'illustrations de dessins antiques, de gravures ou de parchemins, et la présentation de sites historiques associés à la magie.
© Bolton/Gaiman/Dc/Vertigo
2e voyage : "Le monde de l'ombre", dessiné par Scott Hampton.
John Constantine, dont on nous dévoile les facultés de "transportation" emmène Timothy à St Fransisco découvir quelques figures locales de la magie. Où l'on fait connaissance avec Boston Brand, sorte de fantôme qui guidera Timothy lors de ses échappées, avec des dialogues quelque peu hermétiques, apparaissant de plus à chaque fois sous une forme différente.
Où l'on est aussi témoin de deux tentatives d'assassinat sur le garçon. Tentatives heureusement mises en déroute par des amis magiques bienvenus.
© Hampton/Gaiman/Dc/Vertigo
C'est aussi dans ce chapitre que Constantine nous présente Zatanna, magicienne et amie qui va leur offrire l'hospitalité mais aussi mettre malencontreusement notre jeune ami en danger, en l'invitant durant une courte absence ce son mentor dans une fête d'Halloween très mal famée.
Le retour de Constantine nous révèle néanmoins son étonnant pouvoir de persuasion, et la crainte qu'il inspire les sauve tous trois. On n'ira pas plus loin cependant dans les explications de ce "pouvoir". (4)
Boston Brand se déguise en enfant et Zatana le gâte.(© Hampton/Gaiman/Dc/Vertigo)
3e voyage : "Le territoire du crépuscule d'été" (dessin : Charles Vess)
C'est au tour du docteur Occult d'emmener Thimothy sur les chemins du merveilleux, à travers des paysages fabuleux.
Où l'on découvre que les apparences sont souvent trompeuses et que le docteur n'est pas vraiment ce qu'il laisse apparaitre habituellement.
Où l'on parcourt faérie et l'univers particulier de de son marché, que l'on retrouvera plus tard d'ailleurs dans "Stardust". (voir ce titre)
Une scène du marché (© Vess/Gaiman/Dc/Vertigo)

Timothy y gagne un "mundane egg", oeuf créateur d'univers qui lui sera d'une grande utilité plus tard, lorsqu'après avoir franchi le lac de sang et avoir échappé à la monstrueuse sorcière Baba yaga (pour s'être écarté du chemin), il devra échapper à la reine de faérie Titania.
Entre temps, il aura rencontré Sandman, le gardien des rêves.
Timothy, dans cet univers a néanmoins gagné la clé d'un royaume... Lui servira t'elle dans d'autres aventures ?... c'est à prédire.

4e voyage : "La route vers nulle part". (Dessin : Paul Johnson)
Cette dernière escapade à travers le temps, vers le futur et les limites de l'univers va se faire en compagnie de Mister "E", personnage inquiétant aux lunettes opaques (il est aveugle). Celui-ci n'a pas l'air d'être vraiment apprécié par ses pairs, peu rassurés d'ailleurs, et Constatine remarque qu'il dissimule sur lui un pieu affuté (pour sa lutte contre les vampires..?)
Partant néanmoins, leur voyage les amène 15 ans dans l'avenir, où les forces magiques du bien et du mal se combattent violemment. Constantine et Timothy, plus agés y sont d'ailleurs opposés.
Mais comme dit "E" : "Ce n'est pas le seul futur. Il y en a d'autres où tu es un mage suprème, champion de la lumière, et il y a un nombre infini d'autres options".

Alors qu'ils progressent vers une époque encore plus éloignée, Mister "E" révèle au garçon la raison de sa cécité et la violence de son père, extrémiste catholique qui, l'ayant surpris enfant avec une image frivole l'a rué de coups puis lui a crevé les yeux... (faisant de lui cette créature pleine de rancune et de haine.)
(...) "Là, la technologie a évolué à un point où les hommes ne l'appréhendent plus. Les horizons se sont élargis. Tous les jours l'humanité est confrontée à des aliens de formes inimaginables, même dans les plus étranges bestiares et grimoires médiévaux."
"Là, les héros sont apparus. Héros de science, de magie". (avec une allusion à Superman et l'univers Dc comics, ainsi qu'à celui de Marvel via le personnage de Darkfeist.)

A ce monent, Mister "E" (ou Gaiman) se lance dans une explication de la signification de l'Archmage,qui se trouve au centre du monde de sorcellerie, telle une balance. Mister "E" compare cet Archmage à la femme et son principe de fabrication du monde... mais il s'interrompt lorsqu'il se rend compte de son emballement malsain vers le "second sexe" qui le répugne.
Là, on comprend qu'il n'est vraiment pas équilibré et que les inquiétudes des autres guides étaient justifiées. Mais il était le seul à pouvoir mener Timothy en ces mondes.

Soixantième siècle : des créatures mi-ordinateur, mi esprits laissent nos deux voyageurs sans voix...
...Des millions d'années plus loin, d'étranges humanoïdes verdatres vivant dans l'eau communiquent avec eux..

Pendant ce temps, l'inquiétude gagne les autres "guides" de Timothy. Pourront-ils en effet revenir d'aussi loin ? L'idée d'envoyer Yo yo, le hibou de Tim germe par hasard.

...Encore plus loin... Nos deux voyageurs sont arrivés "au bout du temps", là où le fond de l'univers est indigo. Juste une lumière créee par une sorte de château de verre brille au loin.
Un Hierophant, représentant de tous les papes, chamanes et magiciens les accueille et les présente à ses roi et reine, qui disent n'être que des illusions, des oscillations dans "l'horizon de l'événement final".
Le Hierophant et le château de verre (© Johnson/Gaiman/Dc/Vertigo)

Timothy étant interrogé sur son devenir (dans le passé), il parle de magie, et on lui présente Jack o dreams, sorte de bouffon, ressemblant étrangement à Constantine.
Le seul message sensé que ce personnage délivrera : "Un peu de magie est une chose plutôt dangereuse".

Les quittant vers le noir et le néant, c'est ce moment que choisit "E" pour laisser transparaitre sa vraie nature diabolique et sortir son pieu. (...)

Yo yo arrive cependant à temps et s'interpose, en se sacrifiant. Puis un couple étrange intervient et leur intime l'ordre de repartir : Un homme encapuchonné, portant un énorme livre (la destinée), et une belle jeune femme (symbole de la vie ?)
Celle-ci renvoie "Mister E" vers sont temps, mais en l'obligeant à retourner "marche par marche" à travers une centaine de billion d'années; offrant par contre à Timothy de revenir par un moyen plus immédiat.

La question est alors posée par ses trois guides retrouvés : choisira t'il la voie de la science ou celle de la magie ?

... D'abord désolé de devoir refuser, car effrayé, Thimothy après être rentré chez lui et avoir retrouvé sa morne vie et son père alcoolique changera finalement d'avis.

...Ouverture vers un nouveau cycle, on l'imagine. N'oublions pas en effet qu'il a gardé une clef.

---

Deuxième (tentative) d'explication : Plusieurs dessinateurs pour une même histoire n'est pas chose courante, (en 1993) et même si les amateurs de comics US ont appris à s'habituer à ce genre de fantaisie ces dernières années via les divers crossovers de DC comics ou de Marvel, on pourra s'interroger sur la réaction du lecteur français lambda de l'époque.

Troisième explication : La barrière de la langue, tout simplement. En effet, lire de l'anglais dans le texte n'est déjà pas chose évidente pour la plupart des français, mais lire une bande dessinée, qui plus est un comics, et qui plus est encore mélangeant sorcellerie et sauts dans le temps et l'espace... avec un vocabulaire empruntant tout autant à la poésie la plus littéraire que l'argot de rue et les références à d'autres comics... C'est en trop. La coupe est pleine, il faut être alors sacrément motivé.


En conclusion, ce qu'il ressort de la lecture de ce "Books of magic", en dehors du fait d'être sûr de tenir là effectivement le gama et l'omega de la bande dessinée "moderne" de fantasy pour adulte (et je vais m'expliquer sur ce cet aspect), c'est le plaisir d'être arrivé au bout d'un livre exigeant, tant au niveau de la forme que de son fond, tout comme le permettront plus tard des oeuvres telles From hell, Jimmy Corrigan, ou Watchmen, pour n'en citer que trois.

Alors, une trop forte influence ?

En ce qui concerne l'allusion notée ci-dessus, il suffit de le replacer dans le contexte de l'époque de sa parution (1990) et de comparer une partie de la trame et l'aspect physique du héros (et son hibou) pour faire immédiatement le parallèle avec un autre personnage identique mais au succès nettement plus grand : Harry Potter bien sûr !
Force est de constater qu'autant Joanna K Rowling a réussi, depuis 1997, un beau coup avec les tomes de sa série de romans adaptés au cinéma, autant Neil Gaiman est resté un peu plus dans l'ombre, quoi qu'ayant laissé une empreinte indélébile dans l'univers de la bande dessinée (et du cinéma) via les nombreuses "répliques sismiques" provoquées par ses "Livres de magie".(5)

On a déjà cité Constantine et la série Hellblazer qui a connu un assez beau succès d'édition dans l'univers BD, mais il est indéniable que l'influence que Gaiman a pu laisser auprès de la profession et de la plupart de ses confrères scénaristes ou dessinateurs n'est pas négligeable.

Un chef-d'oeuvre
Ceci étant noté, et même si on pourra reprocher à Gaiman un discours (une vision ?) un peu trop judeo-chrétienne de cette magie, et certains passages un peu verbeux dans ce sens (que cherche t-il à nous dire vraiment avec ces nombreuses allusions à la religion ?), on pourra néanmoins considérer l'oeuvre au final comme un pavé dans la mare, qui a placé la barre très haute.

Aussi, à l'heure ou Sandman, une autre oeuvre antérieure tout aussi exigeante vient de voir son intégrale menée à bien grâce à Delcourt et Panini comics, et où des romans graphiques jugés "difficiles" trouvent à nouveau (cf. Watchmen, d'Alan Moore) ou enfin (cf. Cerebus d'Arthur Sims) les bons chemins des librairies françaises, on peut s'interroger quant à l'absence encore criante de ce dernier (?) chef-d'oeuvre en VF.
Mais...on peut toujours rêver ! (Moi je crois à la magie.)

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Toutes les images sont © Dc/Vertigo/Gaiman

Notes :
(1) Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Sandman_(Gaiman)#Publications
(2) Publié à l'origine sous forme de 4 comics de 1990 à 1991 chez le label adulte de DC : Vertigo, puis édité une première fois sous forme de trade paperback (recueil) en 1993. D'autres volumes sequels suivront. Voir : http://en.wikipedia.org/wiki/The_Books_of_Magic#Four_issue_series
(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Neil_Gaiman#Comics
(4) John Constattine est un des personnages de cet "univers" qui va bénéficier dans les années 90 de nombreuses autres apparitions et même obtenir son propre titre avec la série "Hellbalzer".
(5) A ce sujet (polémique) on pourra se reporter entre autre au forum http://www.circleofcrones.co.uk où il est question de l'influence (réelle ?) de Gaiman sur J K Rowling.

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